#BackToCinema – Canción sin nombre, de Melina León, scrute les fantômes du Pérou des années quatre-vingts – dès le 8 juillet sur les écrans romands
Pérou, au plus fort de la crise politique des années 80. Georgina attend son premier enfant. Sans ressources, elle répond à l’annonce d’une clinique qui propose des soins gratuits aux femmes enceintes. Mais après l’accouchement, on lui enlève sa fille pour « effectuer des contrôles ». L’infirmière lui ordonne de se reposer. Le lendemain de son accouchement, on refuse de lui dire où est son bébé. Décidée à retrouver sa fille, elle sollicite l’aide du journaliste Pedro Campos qui accepte de mener l’enquête.
Melina León plonge de manière directe et brutale les spectateurs au coeur du Pérou en 1988, comme indiqué dans ses crédits initiaux : une immersion en noir et blanc dans une époque en proie à une économie incontrôlée, à des conflits politiques incessants et à la montée de groupes violents comme le Sentier lumineux.
Dans ce contexte socio-politique instable et violent, les spectateurs font la rencontre de Georgina (Pamela Mendoza), une jeune femme indigène qui vit à la périphérie de Lima avec son mari Leo (Lucio Rojas). À la radio, ison mari entend l’annonce d’une clinique qui fournit une assistance gratuite à l’accouchement pour les jeunes femmes dans la précarité. Après avoir accouché dans cette clinique, Georgina se réveille en réalisant que sa fille a été kidnappé. Elle sollicite l’aide des institutions officielles et de la police mais constate rapidement que celle-ci n’accordent pas beaucoup d’attention à ses plaintes.
Livrée à elle-même, elle fait appel à l’unique soutien qu’elle trouvera en la personne de Pedro Campos (Tommy Párraga), un journaliste discret du journal de la ville qui décide de l’aider dans l’enquête et de voir ce qui se cache derrière l’enlèvement de son bébé. Au fil de son investigation, Pedro découvre que d’autres femmes ont subi le même sort.
Melina León suit avec pudeur et poésie ces deux âmes solitaires, invisibles dans un Pérou conservateur et pleins de conflits et d’intérêts politiques, soulignant comment ces êtres oubliés de la société parviennent à s’entraider pour aller de l’avant et chercher à affronter les affres du pays.
Canción sin nombre – littéralement chanson sans nom – se mue en berceuse sans enfant comme le démontre la poignante scène finale et s’inscrit dans la récente cinématographie sud-américaine qui aborde les dictatures contemporaines qu’ont vécu des pays comme le Chili, l’Argentine et la Colombie.
Dès la séquence d’ouverture, on est frappé par la similitude de Canción sin nombre avec Roma d’Alfonso Cuarón, à travers ce portrait intime de femme qui, à certains égards, rappelle certains films de Luis Buñuel comme Tristana pour le portrait de femme et Nazarín pour le contexte latino-américain.
Melina León, réalisatrice péruvienne vivant entre Lima et New York, est diplômée en cinéma à l’Université de Columbia. Son court métrage El paraíso de Lili a été projeté au New-York Film Festival et a remporté onze prix, dont celui du meilleur film latino au Festival de São Paulo. Son premier long métrage, Canción sin nombre, présenté à la Quinzaine des réalisateurs en mai 2019, s’inspire des faits révélés par son père Ismael León sur un scandale de trafic d’enfants.
A travers ce film, Melina León rend hommage à la profession de son père journaliste, s’inspirant d’une sombre réalité, encore méconnue du grand public, l’histoire du Pérou à la fin des années 1980.
Canción sin nombre a été projeté au Festival de Huelva et au REC de Tarragone.
Firouz E. Pillet
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