Cannes 2019 : Atlantique de Mati Diop, film africain en compétition, parle de mariages arrangés, d’exploitation et d’émigration
Présenté en compétition au Festival de Cannes 2019, le film de Mati Diop semblait très attendu : quand l’équipe du film a commencé sa montée des marches, vêtus en boubous traditionnels, la foule d’admirateurs venus les accueillir les a acclamé en les sollicitant pour des selfies. Idem à leur arrivée dans l’immense salle du Théâtre Lumière pour la projection officielle du film parlé en wolof.
Dans une banlieue populaire de Dakar, les ouvriers du chantier d’une tour futuriste, sans salaire depuis des mois, décident d’entrer par effraction dans la demeure opulente de Monsieur N’Diaye qui finance la construction d’une tour. Mais la corruption gangrène l’Afrique et l’inspecteur qui dirige le poste de police du quartier choisit de condamner les femmes qui se sont introduites chez leur employeur pour être payées plutôt que de régler le problème des salaires impayées.
D’autres jeunes qui ont travaillé sur le chantier sans toucher leur solde décident de quitter le pays par l’océan pour un avenir meilleur. Parmi eux se trouve Souleiman (Traore), l’amoureux d’Ada (Mame Bineta Sane), promise à un autre, Omar, un riche parti puisqu’il vit en Italie. Quelques jours après le départ des garçons en pirogue pour gagner l’Espagne, un incendie dévaste la fête de mariage de la jeune femme et de mystérieuses fièvres, des djinns selon les marabouts, s’emparent des filles du quartier. Ada est loin de se douter que Souleiman est revenu…
Ce premier long métrage de la Franco-Sénégalaise Mati Diop, est l’un des films les plus attendus du festival : c’est la première fois qu’une réalisatrice d’origine africaine est en compétition. Mati Diop brigue la Palme d’Or. La cinéaste a déclaré au sujet de son film :
Atlantique marque un retour à mes origines africaines.
Il est vrai que la personne la plus habilitée à parler de thématiques propres à un pays – la corruption, l’exploitation des ouvriers, les mariages arrangés, les embarcations d’infortune pour rejoindre la vieille Europe, le maraboutage, les superstition, en autres – est une personne qui parle de son pays, de sa culture et de sa réalité. Il semblait très intéressant d’avoir, par ce film, le point de vue d’une Sénégalaise sur la réalité de son pays d’origine et de constater la réalité des migrants de leur point de départ, une situation économique et sociale souvent ignorée.
Le film regorge de scènes très poétiques, souvent un magnifieue coucher de soleil sur l’étendue, à perte de vue, de l’écran. Certains souvenirs sont de bon augure, raconte l’héroïne de ce film intriguant, ruminant et poétique. Souleimane, en voix off, de lui dire :
Quand la pirogue s’est fendue en deux face à une vague aussi haute qu’une montagne j’ai vu ton visage et tes larmes y couler. J’ai su que tes larmes me ramèneraient au rivage.
En effet, la poésie est omniprésente et berce le quotidien difficile de ces petites gens.
Ada elle-même est sur le point de vivre une vie bien meilleure et, apparemment grâce à ce mariage arrangé, celle d’une femme riche. Sa maison, avec sa chambre matrimoniale exquise et horrible, sera un chef-d’oeuvre de luxe criard, l’envie de ses amies qui se prennent en photo assises sur le lit conjugal.
Au début, cela semble être une histoire assez familière sur les migrants, les boat people et la politique sexuelle. Mais loin s’en faut ! Le film met au jour les maux de l’Afrique et dénonce la corruption, l’exploitation ouvrir dans la rencontre de l’oppression et du surnaturel.
Cependant, malgré toutes ces thématiques très intéressésssantes, le film souffre de longueurs qui auraient pu être évitées … Mais peut-être servent-elles d’hommage aux griots ?
Firouz E. Pillet, Cannes
© j:mag Tous droits réservés