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Cannes 2019 : « Mektoub My Love: Intermezzo », d’Abdellatif Kechiche, radicalise sa façon de filmer et enflamme la Croisette

Si il y a un film de la compétition officielle qui a suscité la polémique et déclenché les foudres cette année, il s’agit du deuxième volet de la trilogie d’Abdellatif Kechiche, Mektoub My  Love Intermezzo.

On se souvient du premier volet, Mektoub my love : canto uno, présenté à la Mostra de Venise 2017, qui suivait Amin, fasciné par les nombreuses figures féminines qui l’entourent, qui restait en retrait et contemplait ces sirènes de l’été durant trois bonnes heures qui paraissaient déjà interminables alors que son cousin se jettait dans l’ivresse des corps. Bref, Mektoub my love : canto uno était un film assez ennuyeux qui ne semblait satisfaire que les fantasmes de Kechiche !

Six ans après la Palme de La Vie d’Adèle, qui avait révélé au grand jour Adèle Exarchopoulos, Abdellatif Kechiche fait son retour dans la compétition cannoise, avec la suite de Mektoub My Love, de toute évidence, le long métrage qui a le plus divisé tant les critiques que le public de cette 72ème édition. Fait peu habituel : alors que les journalistes font la queue pour entrer à la séance de huit heures trente dans le Grand Théâtre Lumière, quasiment personne ne quémande des invitations. Habituellement, dès sept heures le matin, des fans font le pied de grue, brandissant leur panneau « Invitation s’il-vous-plaît ! » le long des barrières qui les séparent des diverses files de journalistes. Ce vendredi, personne à l’affût ! Au contraire, un monsieur à mes côtés s’étonne : « Je suis de Cannes. Les Cannois peuvent bénéficier de plusieurs invitations pour les projections des films proposés dans les diverses sections, y compris la compétition officielle. D’habitude, j’ai toujours une invitation en plus par film et je la donne. Mais pour le film de Kechiche, j’en ai eu une dizaine et personne n’en veut. » La réflexion de ce monsieur m’inquiète et aurait du me servir d’alarme.

Mektoub My Love : Intermezzo d’Abdellatif Kechiche
Image courtoisie Festival de Cannes

Vous constatez qu’exceptionnellement, je me permets d’écrire à la première personne, ce qui n’est pas un procédé journalistique, bien au contraire ! Le « je » est plutôt l’apanage des blogueurs. Mais une fois n’est pas coutume ! Vu ce dont  je vous faire part ci-dessous, je suis bien contrainte de le mettre à la première personne car mon appréciation et mes conclusions sur ce film n’engagent que moi, n’en déplaise à Monsieur Kechiche.

Pour Mektoub my Love: Intermezzo, Abdellatif Kechiche  nous entraîne à Sète. Ville d’Occitanie, parfois surnommée la Venise du Languedoc , est aussi appelée l’île singulière – expression due à Paul Valéry – Sète a vu naître des artistes comme Paul Valéry, Georges Brassens, Manitas de Plata, Jean Vilar. Mais ce n’est pas ses facettes de la ville qu’Abdellatif Kechiche va nous montrer !

La fin de l’été approche, Amin et ses amis rencontrent Marie, une jeune étudiante parisienne.

La fin de l’été approche, Amin (Shaïn Boumedine) et ses amis Ony (Salim Kechiouche), Charlotte (Alexia Herdard), Camélia (Hafsia Herzi), Céline (Lou Luttiau), Ophélie (Ophélie Bau) rencontrent Marie (Marie Bernard), entre autres, une jeune étudiante parisienne de dix-huit ans, en vacances avec ses parents qui sont descendants à l’hôtel. Marie bouquine, langoureusement allongée sur le côté.

Le film s’ouvre donc sur cette prise de vue sensuelle de Marie qui lit et observe de temps de temps un groupe d’amis qui s’ébat dans la mer. Soudain, deux garçons du groupe l’abordent, commencent par la draguer et lui proposent de rejoindre leur groupe d’amis et prendre une bière avec eux. Les premiers trois-quarts d’heure se fixent sur le corps des filles qui s’étalent de la crème solaire et se massent, se caressent de manière très sensuelle entre elles. Kechiche pose à nouveau son regard sur les actrices, les passant au scanner de son regard qui observe cette jeunesse dans tous états avec une lourde insistance. Contrairement au regard qu’il pose sur les jeunes filles, le réalisateur coupe et recadre dès qu’il s’agit du corps des  hommes. Le cinéaste impose son désir libidineux, excessivement limité qui met mal à l’aise les spectateurs, car affreusement normatif. En caméra plongeante ou ascendante, la caméra de Kechiche se pose longuement, très longuement,  sur ces fessiers trémoussants – les jeunes filles se secourent voluptueusement en dansant le jerk – et s’arrête sur une conversation stérile et superficielle entre Camélia et une une fille du groupe sur leurs préférences sur le « cul des hommes, gros, bombé, musclé ou plat », une conversation qui s’éternise et ne fait frémir que le cinéaste. Une conversation vaseuse qui se poursuit sur l’homosexualité, de toute évidence non assumée, d’une jeune femme qui se résoudrait à « épouser un homme pour fonder une famille même si elle est attirée par le corps des femmes. ». Tout est apparemment dit mais pas pour Kechiche dont la fonction érectile a l’air de nécessiter beaucoup d’artifices pour fonctionner encore. Peut-on lui pardonner ses addictions sexuelles et se dire que, bientôt sexagénaire, il a besoin de recourir au cinéma vu la flemmardise de ses hormones ? Va-t-on encore devoir subir ses divagations et ses obsessions dans le troisième volet de sa trilogie?

Avec Mektoub my Love: Intermezzo, Kechiche semble atteindre l’ultime étape de cette sensation d’épuisement qui habite son cinéma depuis presque toute sa filmographie. En effet mis à part Le grain et le mulet (2007), le cinéaste n’a fait que nous épuiser avec ses fantasmes qu’il n’assume que sur grand écran.

Dans la seconde partie du film, plus de deux heures et demi, le cinéaste nous entraîne dans une discothèque où résonne à tue-tête de la musique techno, y compris sur des classiques des années septante, par exemple sur la reprise, fort malvenue, de Gimme gimme d’Abba. A l’issue de ces quelques cent-cinquante minutes passées dans cette ambrance assourdissante digne d’une rave party, mes oreilles sont prises de terribles acouphènes.

Kechiche filme toujours avec les mêmes procédés, caméra plongeante et ascendante, les corps des femmes, avec une attention toute particulières sur leurs fessiers trémoussants et leurs seins, mises en valeur par les soutien-gorges et les wonderbras qu’elle porte pour tout habit mis à part des shorts qui sont plus courts que les poches qui en dépassent.

Kechiche filme cette jeunesse en transe, dansant avec frénésie : les filles agrippées à des barres de pole dance, juchées sur scènes pendant que les gars se rincent l’oeil. Une strip-teaseuse ferait moins de contorsions et de chorégraphies très sexuées qui frisent la pornographie.

Je me souviens d’une époque pas éloignée, la mienne, où les jeunes sortaient en boîte pour danser ensemble sur des choréeraphies disco, sous la boule à facettes et les spots multicolores, et se contentaient de prendre juste un verre au cours de la soirée. Ici, les jeunes descendent verres sur verres et quand ils ne boivent pas, et que les filles descendent de leur perchoir, les gars viennent les prendre en sandwich : par exemple Marie, la jeune parisienne de dix-huit, qui semble totalement consentante, prise en étau entre Toni et son pote qui l’enlacent de part et d’autre par : la jeune fille se laisse volontiers caressée simultanément par les deux gars, les embrassant à tour de rôle. Il en va de même pour les femmes qui dansent, de manière pornographique plus qu’érotique, sur la scène.

Soyez rassurés ! Kechiche quitte le brouhaha cacophonique de la discothèque pour les toilettes du même lieu : Ophélie (Ophélie Bau), qui est enceinte de Toni mais est sur le point d’épouser Clément, soldat dans la marine français actuellement en mission en Iraq, va fêter soin enterrement de vie de jeune fille dans les toilettes de la discothèque en se faisant faire une petite gâterie buccale par le plus âgé de la bande de potes (Roméo de Lacour) qui assure être un grand expert en cunnilingus et il va nous en donner la preuve. Dans l’espace exiguë des toilettes, il met Ophélie sur le bord du lavabo et commence à s’atteller à la tâche. La plupart des médias français ont parlé d’une scène de cunnilingus qui durait un quart d’heure … Pour mettre profondément ennuyée pendant ce film, j’ai regardé ma montre toutes dix minutes du début à la fin. Par ce biais, je peux vous assurer, pour l’avoir chronométrée, que cette fameuse scène qui a ébranlé Cannes ne dure pas un quart d’heure mais … trois quart d’heure ! Et dans toutes les positions, tellement acrobatiques qu’on a l’impression d’assister à un spectacle du Cirque du Soleil sauf que là, il ne s’agit pas d’art circadien ! A la fin de ces acrobaties qui ne doivent pas exister dans le Kamasutra, on se dit que le gars a une sacrée résistance et que la fille a vraiment beaucoup de peine à atteindre l’orgasme ! A moins que ce ne soit Kechiche qui ait de la peine …

Quand j’ai raconté ces diverses scènes au chauffeur de taxi qui me ramenait à ma chambre, il m’a répondu : « Le Festival de Cannes devient le festival des Hots d’or ! Ce film dont vous me parlez a dû être tourné dans un célèbre club échangeste de Sète !» Voilà qui venait éclairer mes lanternes : je me trouvais dans un club échangiste de l’insu de mon plein gré. Et dire qu’il y aura un troisième volet, qui risque bien d’être retenue à la Berlinale puisque le nouveau co-directeur artistique est Carlo Chatrian. Avis aux amateurs !

On imagine aisément combien ce tournage a dû être épuisant pour les comédiens, on suppose leurs réticences et on s’interroge combien  Kechiche a dû insisté pour finalement cette scène de sexe non simulée … Une scène de sexe qui longtempsps marquer les esprits des festivaliers !

Force est de constater et de conclure qu’Abdellatif Kechiche vit mal le poids des ans et tente d’assouvir ses fantasmes pendant trois heures trente en s’épanchant sur son obsession pour le corps féminin, laissant le spectateur en état de sidération. Apparemment, Kechiche est le seul à bander !

On ne peut alors que se questionner sur les motifs qui conduit son film à sa sélection à Cannes … Les arcanes du festival restent bien mystérieuses pour le simple quidam !

Après ces trois heures et demi de fesses, de seins et de trémoussements pornographiques, je songe à partir en retraite dans un couvent. A bon entendeur salut pour ceux qui seraient tentés par le film !

Firouz E. Pillet, Cannes

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Firouz Pillet

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