Cannes 2022 : For The Sake Of Peace (Au nom de la paix), de Christophe Castagne et Thomas Sametin, est présenté en séance spéciale et suit le processus de paix dans le Soudan du Sud
Le Soudan du Sud est le plus jeune État au monde, en guerre avec lui-même, avec plus de 350 000 personnes tuées depuis sa création en 2011. L’obtention de l’indépendance laissait miroiter l’espoir d’une jeune nation autonome et paisible. Malheureusement, des conflits locaux ont éclaté à la frontière des deux états, réveillant le souvenir de la longue guerre civile qui a secoué le Soudan entre 1955 et 1972, opposant le nord, à majorité musulmane, et le sud, à majorité catholique et animiste, donnant naissance à une guerre fratricide. Ces luttes incessantes opposent, dès 2013, les partisans du Président Salva Kiir et ceux du vice-président Riek Machar, devenu son rival politique.
Pourtant, à travers ces massacres fratricides et ces conflits à répétition, un espoir luit : la détermination de jeunes, femmes et hommes, qui refusent de renoncer à la Paix. Gatjang, un arbitre dans un camp, de déplacés de Juba, précisément le camp PoC3, utilise le sport pour transmettre une culture de la paix aux enfants et aux jeunes de tribus qu’oppose une hostilité tenace. Gatjang veut réconcilier autour du ballon rond les jeunes qui feront la société de demain. Nandege, une jeune mère, réussit à s’imposer contre toute attente en médiatrice talentueuse dans le règlement d’un conflit meurtrier qui oppose les communautés de la vallée de Kidepo depuis des générations. Porte-parole diplomate et efficace, Gatjang parvient à solliciter les représentants des Didinga et des Logir dont le redouté Komol, un tueur qui se vante d’avoir tué plus de mille personnes lors de vols de bétail aux Didinga. Les vols de bétail permettent aux hommes Logir de se constituer une dot pour se marier. Malheureusement, les enlèvements d’enfants sont aussi très fréquents dans cette région du Soudan du Sud.
En 2018, des accords de paix ont été signés entre les deux camps mais ces accords fragiles menacent d’être rompus à tout moment vu l’absence d’unité politique au sein du gouvernement. Les nombreux camps internes au Soudan du Sud accueillent de nombreux réfugiés, dont certaines ethnies minoritaires, comme les Nuer qui ont quasiment perdu l’espoir de récupérer les terres qui leur ont été volées. À travers l’histoire des personnes filmées par Christophe Castagne et Thomas Sameti, le public prend conscience des chemins offerts à notre Humanité ainsi qu’à leur résonance.
Forest Whitaker, Palme d’or d’honneur au Festival de Cannes 2022, produit For The Sake Of Peace. On voit l’acteur américain, très impliqué dans la résolution de ce conflit, accompagnant la jeune Nandege auprès des Nations Unies, à Genève, pour exposer la situation de son pays et présenter son action. Le tandem de cinéastes avait déjà travaillé avec Forest Whitaker sur des courts métrages ; Christophe Castagne, et Thomas Sameti soulignent combien Forest Whitaker est engagé. L’acteur ne recherche ni les lauriers ni la Une des magazines mais s’implique avec humanisme et authenticité. Christophe Castagne et Thomas Sameti ont suivi l’intention première de Forest Whitaker de ne pas réaliser d’interviews mais d’aller en immersion au cœur des populations. Le résultat est poignant pour les spectateurs qui suivent les actions de Gatjang et de Nandege à travers les rencontres, les pourparlers, les assemblées sous les arbres dans les villages.
Le documentaire de Christophe Castagne et de Thomas Sametin aura peut-être la chance d’être vu du plus grand nombre dans le cadre du Festival de Cannes, touchant peut-êtres des spectateurs qui ne le verraient pas dans un autre contexte.
Firouz E. Pillet, Cannes
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