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FIFF 2019 : Les héros ne meurent jamais, de Aude-Léa Rapin, replonge les festivaliers de Namur dans la terre en Bosnie-Herzégovine et ses spectres

Dans une rue de Paris, un inconnu interpelle violemment Joachim en le nommant Zoran et croit reconnaitre en lui un soldat mort en Bosnie le 21 août 1983. Or, le 21 août 1983 est le jour même de la naissance de Joachim ! Alors qu’il raconte cet incident à une amie, Alice (Adèle Haenel), le filme dans un studio parisien.

Troublé par la possibilité d’être la réincarnation de cet homme, Joachim s’interroge : «Comment on fait pour savoir si je ne suis pas déjà mort ?» Il décide de partir pour Sarajevo avec ses amies Alice et Virginie. Dans ce pays hanté par les fantômes de la guerre, ils se lancent corps et âme sur les traces de la vie antérieure de Joachim.

— Adèle Haenel et Jonathan Couzinié – Les héros ne meurent jamais
© Les Films du Worso

Stupeur de Joachim au passage de la frontière : un cimetière gigantesque abritent une multitude de tombes. Devant les façades de des immeubles criblés d’impacts de balles et d’obus, Joachim, effaré, s’exclame : « On dirait du gruyère ! »

Malheureusement, ce genre de répliques totalement déplacés vu le contexte, ponctuent le film.

Le trio commence à rechercher une tombe d’un homme mort le 21 août 1983 dans une petite ville. De fausses pistes en joie rapidement étouffées, le trio mène une enquête ardue et se rend dans un café autrefois appelé Zoran. L’aubergiste vient répondre à leurs questions et met rapidement le haut-là à leur enthousiasme, leur démontrant que Zoran est un prénom très courant en Bosnie. Par contre, le cafetier, Serbe, les questionne sur leur film : « Sera-t-il en faveur ou pas des Serbes ? » La méfiance est tangible.

Un ancien combattant bosniaque retrouve Alice qui était venu filmer des documentaires sur eux des années auparavant : «Nous as-tu oubliés ? »puis les emmène sur la piste de bobsleigh des Jeux olympiques de 1984. Il leur confie dans un témoignage émouvant que cette piste servait de ligne de front et témoigne : « J’étais en première ligne pour tuer les Serbes ! Regardez les arbres alentour : ils sont tous jeunes, les anciens arbres ont disparu.»

Paul, le caméraman, qu’Alice interpelle, braque son objectif sur Joachim qui se plaint de ne pas être assez filmé. Alice s’exclame : « Tu veux un biopic ? Tu veux qu’on parle de toi ? Il y a eu cinq ans de guerre ici ! »

Une femme les accueille et les met en relation avec le fils et la veuve d’un Zoran Tadic, mort en 1993.

Elle leur dit : « Si mon Nino, mon mari et mes neveux tués le 11 juillet 1995 se réincarnaient en fleurs, ce serait beaucoup plus beau que ce que j’ai en tête. »

Le trio se rend dans une casse-automobile, propriété d’un certain Tadic, Fils d’un feu Zoran : Joachim se jette à son cou. Alice, qui parle serbo-croate couramment, ne traduit rien initialement puis, finalement, quelques bribes, expliquant à l’homme la raison de leur venue et leur caméra qui ne cesse de tourner qui agace profondément le carrossier. L’homme les prie de quitter immédiatement les lieux. On finit par se demander si Joachim est vraiment sain d’esprit plus que malade du cœur. « Un verre de raki entretient l’amour, deux verres le tuent. » lui dit la femme aveugle qu’ils finissent par retrouver, au sommet d’une montagne où elle a des ruches.

La femme confie : «Je ne supporte de te voir suspendu à un cintre. » brandissant l’uniforme militaire de son mari et invite Joachim-Zoran à l’enfiler. Elle l’incite : « Vas-y ! Pars ! » sur le générique de fin, une liturgie orthodoxe chantée.
Un message de réconciliation possible après avoir entendu pendant tout le film les appels à la prière du muezzin ? Deux religions, deux langues, deux cultures qui semblaient fraternellement unies avant la guerre, à l’époque de Tito.

La chute sauve le film, nous permettant d’oublier ces répliques inappropriées vu la gravité du sujet.

Aude Léa Rapin est scénariste et réalisatrice diplômée de l’Atelier Scénario de la Fémis. Elle débute avec deux documentaires avant de passer à la fiction avec La Météo des plages, présenté dans de nombreux de festivals internationaux. Puis elle continue avec Ton cœur au hasard qui reçoit de nombreuses récompenses dont le Grand Prix National au Festival International de Clermont-Ferrand et Que Vive l’Empereur, présenté au Festival de Locarno. Les héros ne meurent jamais, son premier long métrage, est sélectionné à la 58e Semaine de la Critique.

Le film a été présenté à la Semaine Internationale de la Critique au Festival de Cannes 2019 et fait partie de la 33ème édition du Festival du Film francophone de Namur 2019.

Firouz E. Pillet, Namur

www.fiff.be

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Firouz Pillet

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