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Mostra 2021 : Piedra noche, du cinéaste argentin Iván Fund concourt dans la section Giornate degli autori

La 18ᵉ édition de la section autonome et parallèle de la Mostra de Venise, Giornate degli autori (Les journées des auteurs), ouvre une nouvelle salle du 1er au 11 septembre au Lido, avec des films qui feront parler d’eux dont Piedra Noche (Dusk Stone) du cinéaste argentin Iván Fund qui s’est distingué notamment avec Los Labios qu’il a co-réalisé avec Santiago Loza et qui fut sélectionné (ainsi que primé) en 2010 au Festival de Cannes, à Un Certain Regard. Quant à la distribution de Piedra noche, on retrouve notamment le Chilien Alfredo Castro, qu’on a pu voir dans Tony Manero, El Club, Rojo ou plus récemment Tengo Giedo Torero.

— Jeremias Mateo Kuharo – Piedra Noche (Dusk Stone)
Image courtoisie La Biennale di Venezia

Le film s’ouvre avec des vues aériennes sur l’océan puis sur le littoral, accompagnées d’une musique stridente. Iván Fund commence par des scènes de vie de famille heureuse alors que Greta (Mara Bestelli) et Bruno (Marcelo Subiotto) passent du temps à la maison en bord de mer et sur la plage avec leur fils Denis (Jeremias Mateo Kuharo). Des gros plans persistants sur les visages, particulièrement les yeux, témoignent d’une affection immense et d’un lien étroit entre les parents et leur enfant alors que le garçon joue avec une console de jeux qui lui permet de créer un kaiju, un monstre géant à l’écran, inspiré d’un moustique en vert et mauve et qui dévore la piedra noche, certainement en référence au jeu japonais évolutif.

On découvre donc ce couple d’âge mûr avec un jeune garçon pré-adolescent qui joue à un jeu vidéo qui le captive bien que ce monstre détruit tout ; Denis fronce souzain les sourcils et demande, inquiet, à son père, s’il y a un monstre dans la récente plate-forme construite aux alentours. La famille part ensuite à la plage et Iván Fund filme les parents qui accompagne l’enfant sur un matelas pneumatique tout en filmant les rouleaux impressionnants de l’océan. Au réveil suivant, les parents cherchent leur fils … Une musique lancinante et inquiétante accompagne les images de la nature environnante, en particulier de l’océan qu’Iván Fund rend menaçant et angoissant.

Le lieu où se baigne la famille laisse une impression alarmante, accompagnée par une musique anxiogène et prépondérante tout au long du film : la famille semble avoir la longue plage pour elle seule et la photographie du film est grise, terne et sombre. Les émissions radiophoniques les conversations des protagonistes font allusion à un changement climatique et des catastrophes mondiales. Tout semble avoir changé depuis la construction d’une plate-forme dans la baie qui a été suivie d’une invasion de busards et des rumeurs d’observations de requins. L’action humaine dérègle l’environnement, la faune, la flore, le temps et Iván Fund crée une atmosphère apocalyptique pour en témoigner.

Par une nuit noire, le garçon, curieux, se dirige vers la plage et le lendemain matin, il demeure introuvable. Un an plus tard, l’amie d’enfance de Greta, se rend sur la côte pour les aider à vendre leur maison et à empaqueter leurs affaires afin d’aider le couple à faire ses valises en vue de quitter la maison sur la plage où leur deuil semble impossible. Mais des parents peuvent-ils faire le deuil d’un enfant ? Alors qu’ils emballent tout et s’apprêtent à déménager, Bruno tente désespérément de réinitialiser le jeu vidéo qui passionnait leur fils et affirme avoir vu quelque chose confirmant la rumeur qui circule parmi les habitants : une forme étrange venant de la mer…

A travers le récit de Piedra noche, Iván Fund dépeint combien la perte d’un enfant est un séisme insurmontable qui peut amener le couple à imploser. Il parvient à insuffler une sincérité discrète à une histoire simple dans laquelle deux parents en deuil cherchent des signes d’espoir pour alléger le fardeau de leur perte et de leur tristesse incommensurable. À travers un récit initialement intrigant, Iván Fund parvient à le rendre par instants plus léger grâce à la venue de la meilleure amie de Greta.

Iván Fund s’abstient de montrer le monstre jusque tard dans la journée mais construit sa présence par des éléments qui pointent à travers des discussions et des hypothèses que lancent les protagonistes. Mais le cinéaste peine à être persuasif, laissant certains éléments peu exploités: Que s’est-il exactement passé au cours de l’année écoulée ? Quelle est la mystérieuse crise qui a provoqué une telle perturbation, au demeurant guère invisible ? Iván Fund a-t-il peut-être sciemment sous-exploité ces éléments pour laisser libre cours à l’imagination des spectateurs mais ces derniers restent perplexes face aux actions de certains personnages qui n’ont pas tout à fait de sens.

L’entrepreneur local Genaro, joué à la manière incisive par Alfredo Castro, se félicite de l’arrivée d’un monstre marin de style Loch Ness qui pourrait être une attraction touristique et pourtant recourt à un fusil et commence à tirer sur le premier objet inconnu qu’il espionne dans l’eau. Même quand les humains compromettent l’équilibre de l’univers, certaines personnes restent obnubilées par le profit. L’interprétation pesée et souvent mélodramatique de Francisco Cerda vise à créer des ambiances et des attentes qui créent une discrépance avec le récit calme et lugubre.

Piedra noche qui vit sa première aux Venice Days, s’avère un projet difficile à positionner. Il y a des éléments qui rappellent vaguement les productions hollywoodiennes des années 1980 plébiscitées par le public (comme Harry et les Hendersons) entremêlés à une tentative de créer une fable écologique rassurante et émouvante qui résonne avec notre époque.
Iván Fund signe un film empli de bonnes intentions et de pistes intéressantes, mais le tout ne parvient pas à nous convaincre pleinement.

Firouz E. Pillet, Venise

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Firouz Pillet

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