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Troppa Grazia – Un film de toute beauté, pollicitation cathartique à l’état de l’humanité

A côté des modes entourant les acteur.rice.s et réalisateur.rice.s, le cinéma procure régulièrement dans son offre un faisceau de sujets ou thématiques abordées qui souvent reflète le Zeitgeist ou même anticipe (et quand on pense qu’entre le début d’un projet et sa distribution il se passe plusieurs années, le phénomène est intéressant !) les événements qui marquent nos sociétés. Avec Troppa Grazia, outre le fait que l’on retrouve la très talentueuse et lumineuse mais un peu trop présente Alba Rohrwacher dans le cinéma italien des dernières années, Gianni Zanasi aborde un sujet qui semble travailler les réalisateurs de films qui sortent en 2018, avec par exemple L’apparition de Xavier Giannoli, lui aussi présenté au 36è Filmfest München en comparaison directe (nous nous abstiendrons de faire la critique de cette dernière apparition), ou La prière de Cédric Kahn (qui a valu à son acteur Anthony Bajon l’Ours d’argent du meilleur acteur à la dernière Berlinale) qui certes n’aborde pas celle de la Vierge Marie mais inclus également une apparition divine dans son déroulé. Plus que de la religion, ces films abordent par ce biais, de manière plus ou moins réussie, des questions bien terre à terre qui consument et fatiguent l’humanité. Troppa Grazia fait partie de ceux qui réussissent à raconter une histoire aux multiples strates sans la lester ni d’embrouillamini ni de pathos parasites.

Une comédie pleine de grâce

Lucia, mère célibataire, bataille pour trouver un juste équilibre entre sa fille adolescente, une histoire d’amour compliquée et sa carrière de géomètre. Son avenir professionnel se voit compromis lorsqu’elle réalise que la future construction d’un bâtiment ambitieux s’avère en fait être dangereux pour l’environnement en raison des cartes topographiques inexactes du conseil municipal. Lucia est tiraillée mais pas peur de perdre son travail, elle décide tout de même de garder le silence sur cette découverte. Une mystérieuse étrangère essaye alors de convaincre Lucia de tenir tête à ses supérieurs et recommande la construction d’une église sur le site du chantier problématique. Lucia, qui croit aux miracles, va rapidement être mise à l’épreuve.

— Hadas Yaron et Alba Rohrwacher – Troppa Grazia
Image courtoisie Filmfest München (FFMUC)

Alba Rohrwacher se fond avec naturel dans le scintillement doré qui inonde l’écran de cette histoire tout en le crevant de son talent d’actrice. Même si elle passe pour une folle pour son entourage, le spectateur se laisse à la fois avoir par les situations succulentes où elle semble vraiment avoir un petit oiseau qui volète dans sa tête tout en sachant pertinemment que la folie, ce n’est pas en elle qu’il faut la chercher mais dans ce monde qui ne tourne pas rond. Lucia est géomètre, précise et intègre et pourtant, dans sa propre ligne de vie, elle est plutôt perdue et prête à quelques compromis pour retrouver un semblant de chemin.

L’apparition de la Madone (Hadas Yaron) à Lucia et les relations entre les deux femmes (elles iront jusqu’à s’insulter et se battre physiquement) pendant le film sont à la fois jubilatoires à voir et pleines de sens divers qui éclairent notre époque : le phénomène migratoire, les réfugiés, le jugement extérieur vs. la confiance en soi, l’intégrité vs. la corruptibilité, la rationalité face à la magie de la vie, l’environnement face aux êtres humains, les relations interpersonnelles et les problèmes de communication, la relation d’un être adulte avec l’enfant qu’il a été, … Tout, ici, est traité avec intelligence, de manière subtile, sur un rythme qui mystifie l’ennui, et un humour qui n’hésite pas à jouer sur les clichés tout en agissant sur les jeux de langage, les comparaisons, les métaphores sans jamais alourdir le propos.
La relation entre Lucia et son père est également joliment traitée et permet de donner une des clefs du film quand le père dit à sa fille :

Quand tu étais enfant, tu croyais en toi.

Que s’est-il passé ? demande-t-elle.

Tu as grandi…

Gianni Zanasi aime ses personnages et ne les maltraite pas, il nous les donne à observer avec bienveillance, soulignant par petites touches des traits qui nous concernent tous, nous embarquant avec délicatesse dans un voyage esthétiquement lumineux et à la morale poétique.

De Gianni Zanasi; avec Alba Rohrwacher, Elio Germano, Carlotta Natoli, Giuseppe Battiston, Hadas Yaron, Thomas Trabacchi; Italie; 2018; 110 minutes.

Malik Berkati

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