ALFILM : quelques éclats de rire, des perles et des larmes à la 8è édition du festival du film arabe de Berlin
ALFILM – le festival du film arabe de Berlin est devenu au fil de ses éditions un rendez-vous incontournable de la scène foisonnante des festivals de films que compte la capitale allemande. Le festival, en prenant de l’importance, n’a pas sacrifié au succès sa ligne première consistant à montrer au public européen des cinémas ayant très peu de visibilité dans les salles du continent (nombre de films présentés sont des Premières européennes ou allemandes), avec une focale sur les productions indépendantes et le cinéma de genre. Évolution très intéressante du festival : ses premières éditions se concentraient classiquement dans un lieu, puis dans deux cinémas pour finir, cette année, à s’ouvrir largement à la ville avec quatre salles partenaires : celles de la cinémathèque Kino Arsenal, le fsk Kino, le Eiszeit Kino et le City Kino de Wedding au Centre Français de Berlin.
Petite sélection j :mag
Bien évidemment, les temps sont troubles et sombres. Les cinéastes en font également témoignage, mais la démarche artistique permet aussi la sublimation des choses et, même dans la restitution des événements les plus difficiles ou tragiques qui lestent ce monde, la poésie, l’humour et l’esthétique percent des écrans qui nous ouvrent les yeux.
Le film d’ouverture, Tramontane (Liban-France-Qatar) de Vatche Boulghourjian qui avait été sélectionné à la Semaine internationale de la critique au festival de Cannes 2016 (critique j :mag), est extrêmement bien choisi, puisqu’il nous fait entrer de plein pied dans la complexité du monde arabe (s’il existe ! Mais puisque le terme est consacré, autant l’employer pour mieux le démystifier…), les imbrications des peuples, religions, influences extérieures qui déterminent l’état des choses présentes. C’est dans cette réalité que le spectateur est plongé à la suite de Rabih, un jeune musicien aveugle qui va, tel un détective, enquêter sur sa propre identité lorsqu’il découvre que la pièce officielle qui en atteste depuis toujours est falsifiée.
Pour ceux qui n’ont pas eu l’occasion de le voir pendant la Berlinale 2017, voilà une séance de rattrapage pour l’essai documentaire (Palestine, Suisse, France, Qatar) empruntant au genre du re-enactment qui a remporté le Prix du documentaire toutes sections confondues en février : Ghost Hunting (Istiyad Ashbah). Raed Andoni, lui-même emprisonné à l’âge de 18 ans, nous fait entrer dans la reconstruction mentale d’ex-prisonniers du plus grand centre d’interrogatoire israélien, la prison Al-Moskobiya située à Jérusalem. [critique j :mag]
Un autre film, atypique – à la frontière du conceptuel, The Last of Us – pas le jeu de vidéo pour PlayStation, bien que le côté post-apocalyptique et la traversée comme impératif de survie peuvent être des points d’attaches – du Tunisien Ala Eddine Slims, nous entraîne dans une odyssée surréaliste et sans dialogues, sur les talons d’un migrant (magnifiquement incarné par le graphiste et artiste urbain Jawher Soudani – dit VAJO) qui va connaître les affres de la traversée d’abord du désert puis celles de la mer. Ses réflexes ataviques de survie et capacités d’adaptation qui habitent chaque être humain vont être mis à grande contribution, non sans mettre également à l’épreuve ses forces individuelles physiques et mentales propres. Quand elles se heurtent à leurs limites, soit elles nous engloutissent soit elles nous permettent de nous renouveler…
Pour traiter des sujets hautement sensibles politiquement, rien ne vaut en cinéma l’humour, voire le burlesque. C’est dans cette dernière catégorie que l’on peut placé la comédie jordanienne Blessed Benefit où l’on suit les efforts d’Ahmad, arrêté pour avoir jouer avec les limites de la légalité en voulant aider son cousin, pour sortir de prison. Comme son cousin est trop occupé par l’achat d’un mouton pour l’Aïd pour le libérer, Ahmad prend son mal en patience et découvre les avantages que peuvent procurer en prison une vie libérée des contraintes de responsabilités. Mahmoud Al Massad traite ainsi avec légèreté du sujet de la corruption institutionnalisée.
La rétrospective est dédiée cette année au réalisateur, scénariste, décorateur et costumier égyptien Shadi Abdel Salam qui n’a réalisé qu’un long-métrage dans sa carrière, mais un véritable chef-d’œuvre – La Momie, à (re)découvrir pendant le festival ainsi que trois de ses courts métrages (de 21, 38 et 39 minutes) qui donnent un bon aperçu de son univers cinématographique. À cet égard, ALFILM projettera également un péplum totalement atypique au regard des canons hollywoodiens, Le Pharaon du cinéaste polonais Jerzy Kawalerowicz et pour lequel Shadi Abdel Salam avait été consultant historique.
Programme complet
ALFILM – 8. Arabisches Filmfestival Berlin du 31 mars au 7 avril 2017
Malik Berkati, Berlin
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