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Berlinale 2021 – Compétition : Inteurodeoksyeon (Introduction) de Hong Sangsoo qui épure son cinéma pour en faire matière poétique

Il est malin Hong Sangsoo , le prolifique cinéaste coréen, capable de présenter en une seule saison ses films dans plus d’un festival majeur – il est vrai qu’il profite souvent de ses voyages festivaliers pour entamer des films, faire des rencontres, s’inspirer – , ce dernier film présenté dure 66 minutes, juste au-dessus des 60 minutes, limite qu’il faut atteindre pour être considéré comme un long métrage. Il a donc 6 minutes de rab et peut ainsi être à nouveau sélectionné en compétition – rappelons que l’année passée, Hong Sangsoo  avait remporté l’Ours d’argent de la meilleure réalisation pour The Woman Who Ran. Comme une mise en abyme de sa propre œuvre, une partie du film se déroule à Berlin, aux alentours et sur la Potsdamer Platz, centre névralgique du Festival de Berlin. Pour filer la pelote de l’auto-référence, la présence de cette petite communauté coréenne rappelle également On the Beach at Night Alone, film présenté en compétition à la Berlinale 2017 et pour lequel sa compagne Kim Minhee avait reçu l’Ours d’argent de la meilleure actrice, dont l’action se déroule en partie en Allemagne également. D’aucun dirait qu’il s’auto-parodie. Mais sa démarche est plus profonde que cela, même si le réalisateur n’hésite jamais à se mettre en scène à travers ses doubles de manière ironique et sans complaisance. Il semble plutôt sincèrement aller au bout de sa quête artistique sur la nature du genre humain, cette balance entre la création et la vie, entre les non-dits et la pudeur dans le réel et la mise à nu dans l’œuvre qui s’épure à chaque nouvel addendum pour tendre – et bientôt se fondre ? – dans l’impressionnisme poétique.

— Shin Seokho, Ye Jiwon – Inteurodeoksyeon (Introduction)
© Jeonwonsa Film Co.Production

Young-ho (Shin Seok-ho) se rend au cabinet medical d’acupuncture de son père (Kim Young-ho). Très occupé par ses patients, dont un acteur célèbre (Ki Joo-bong), il doit patienter jusqu’à s’endormir sur le canapé de la salle d’attente. Hong Sangsoo maniant l’ellipse de main de maître, sans beaucoup d’explications, nous comprenons que la relation père-fils est des plus ténues, que l’homme fait face à une crise existentielle. La petite amie de Young-ho que nous avions aperçu quelques minutes plus tôt à l’entrée du cabinet se retrouve à Berlin. Ju-won (Park Mi-so) vient y étudier la mode. Son petit ami lui fait la surprise de la rejoindre, ce qui n’est pas du goût de sa mère qui place sa fille chez une de ses amies artiste, l’occasion de voir l’incontournable actrice de Hong Sangsoo  depuis quelques années, Kim Min-hee, dont la beauté intimide la jeune et timide étudiante. Dans un mouvement retour en Corée, nous retrouvons l’acteur célèbre en compagnie de la mère de Young-ho et celui-ci pour parler de la carrière d’acteur entamée puis abandonnée par le jeune homme.
Dans ses derniers films, le cinéaste pose de manière assez distincte son double, souvent un homme d’âge plus mûr que sa femme ou petite amie, en crise existentielle et artistique. Dans Introduction, comme s’il voulait remettre tout à plat, l’impression qui se dégage est qu’il se trouve dans tous les personnages en crise qui fument beaucoup, mis à part Ju-won, comme Hong Sangsoo qui fume cigarette sur cigarette dans la vie.

Rien ici n’est explicité, tout est donné en transparence, dans les fils fins du propre miroir des sentiments, des expériences, de la compréhension des sens. La fin, magnifiant les mouvements incertains de la vie, l’ivresse et le dégrisement, laisse un goût à la fois de nostalgie et d’avenir ouvert, de renoncement et d’impulsion vitale, de pertes et d’acquis, de rêve et de vie.

Magistral !

De Hong Sangsoo ; avec Shin Seokho, Park Miso, Kim Youngho, Ki Joobong, Seo Younghwa, Kim Minhee, Cho Yunhee, Ye Jiwon, Ha Seongguk ; République de Corée; 2020; 66 minutes.

Malik Berkati

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