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Présidents, d’Anne Fontaine, propose une fable contemporaine avec des personnages troublants de véracité

Nicolas (Jean Dujardin), un ancien Président de la République, vit avec Carla (Dora Tillier), une chanteuse d’opéra et le minuscule chien qu’elle lui a offert. Confessant à son coach et thérapeute (Denis Podalydès) ses nouvelles passions – passer l’aspirateur dans son appartement du 16e arrondissement et promener son nouveau compagnon à quatre pattes – il affiche avec véhémence son enthousiasme pour ces activités mais cache difficilement son état dépressif. En effet, Nicolas supporte mal ne plus être une figure de la vie politique, et surtout de ne plus être à l’Élysée. Devant un panel de candidats aux prochaines élections présidentielles, Nicolas saisit l’échéance des dépôts de candidatures et voit dans les circonstances politiques actuelles une opportunité qui lui permet d’espérer un retour sur le devant de la scène. Mais pour ce faire, il lui faut un allié de renom : son ancien adversaire et successeur, François. Prétextant auprès de sa cantatrice de compagne de passer quelques jours au vert pour soigner leur petit chien soudainement pantelant, Nicolas part donc en Corrèze, pour convaincre François (Grégory Gadebois), un autre ancien Président de la République, retiré à la campagne, de faire équipe avec lui. Quand Nicolas rencontre François, ce dernier feint d’être passé à autre chose et de couler une retraite paisible et heureuse entre ses ruches, ses promenades à vélo, ses siestes quotidiennes et les récits de vélage faits par sa femme, Valérie (Pascale Arbillot), une vétérinaire très appréciée par les paysans de la région pour son humanité et sa disponibilité. Mais, devant l’insistance et les arguments de Nicolas qui lui propose d’allier leurs forces et de fonder un parti improbable – La France pour tous – pour remporter les prochaines présidentielles, et malgré leurs convictions politiques de tendances opposées, François se pique au jeu tandis que Nicolas découvre que le bonheur n’est peut-être pas là où il croyait mais peut-être bien dans le pré … Et leurs compagnes respectives vont bientôt se mettre de la partie. Soulignons l’excellent jeu des deux actrices, Dora Tillier et Pascale Arbillot, très convaincantes dans leurs prestations.

— Pascale Arbillot, Grégory Gadebois Jean Dujardin et Dora Tillier – Présidents
Image courtoisie Universal Pictures

Comme l’indique le générique d’ouverture,

Toute ressemblance avec des personnalités existantes est purement pas fortuite.

Ne vous y méprenez pas ! Ce n’est ni le paysage politique actuel sans aucun candidat qui se démarque de manière franche ni l’approche des prochaines présidentielles qui ont fait germer cette idée folle d’un scénario si cocasse dans l’esprit d’Anne Fontaine. La réalisatrice confesse qu’elle a eu l’idée de ce scénario dès les premiers jours du premier confinement alors que deviennent qu’elle se questionnait sur ce que ces êtres si particuliers et hyperactifs que sont les présidents dans un état d’intimité et de désert tant social que politique, une vie tranquille au rythme bien éloigné des mandats qu’ils ont assumés durant leur présidence. C’est donc lors du confinement, au printemps 2020, que la cinéaste s’est lancée dans l’écriture de ce film. Présidents est né de la volonté d’Anne Fontaine de faire une comédie sur

« deux personnages qu’on ne rencontre pas souvent, puisque les anciens Présidents de la République sont assez rares ! Ce qui m’intéressait le plus, c’était l’idée de l’après, ce moment où l’on n’est plus au pouvoir. Le défi était de savoir comment doser le rire qui est un savant mélange, à la fois stimulant et complexe car beaucoup plus difficile à incarner qu’un drame psychologique dont on connaît généralement les tenants et les aboutissants. »

Si Jean Dujardin incarne un ancien président qui laisse songer à Nicolas Sarkozy et que le personnage de Grégory Gadebois s’apparente à François Hollande, Présidents ne se veut absolument pas un biopic consacré à ces deux figures politiques françaises. Anne Fontaine assume pleinement le fait de s’être inspirée de ces deux présidents mais revendique d’avoir fait une comédie de troisième dimension avec ces deux personnages qui sont inspirés de ces deux présidents mais dans un contexte où la fantaisie et l’imaginaire sont très prégnants. Le film prend la liberté de les emmener dans une sorte de réalité parallèle qui amuse dès la première séquence les spectatrices et les spectateurs qui se laissent aller à rêver que ce tableau fantaisiste pourrait être la réalité. Anne Fontaine a opté pour le genre comique qui lui permet de disserter sur la comédie et la façon dont on se libère du pouvoir ou pas. La cinéaste décrit son point de vue sur la comédie :

« Il faut qu’il y ait de la vérité, même avec le décalage de la drôlerie. J’ai relu certains de leurs discours car on y trouve des éléments que tous deux ont vécus et partagés, j’ai pioché des informations dans des articles de presse […]. En revanche, le scénario contient des points de repère amusants et véridiques comme ce qualificatif de « petit calomniateur » qui a vraiment été employé ! »

Ce qui rend le propos de Présidents d’autant plus savoureux, provoquant moult fous rires et francs éclats de rire, est la dimension humaine qu’Anne Fontaine accorde à son tandem d’anciens présidents en les dévoilant dans des situations inédites, intimes, proches de leur électorat, et les rendant par ce truchement humains. Anne Fontaine se défend d’avoir fait un long-métrage didactique ou militant mais déclare :

« Je crois qu’il touche quand même à l’objet de la politique, au-delà de la comédie du pouvoir avec laquelle il s’amuse. Quand le personnage de Nicolas vient rencontrer François, il parle de « péril fasciste » en utilisant des mots très violents pour essayer de réveiller son instinct politique… Reste à savoir s’il utilise ce terme pour bâtir une véritable alliance démocratique ou juste revenir au pouvoir… un peu des deux, sans doute. »

— Grégory Gadebois et Jean Dujardin – Présidents
Image courtoisie Universal Pictures

Vu les prochaines présidentielles qui approchent, le film d’Anne Fontaine sort au bon moment pour aborder ce thème au regard des candidats connus – les mêmes de longue date – et les nouveaux venus dont un journaliste plus à droite que l’extrême-droite française. Pour incarner ce fameux duo, Anne Fontaine a fait un choix excellent : Jean Dujardin semble se régaler en travaillant à une de ces constructions physiques qu’il affectionne et dans lesquelles il excelle. Tout au long du film, l’acteur s’amuse à recréer l’original avec un naturel déconcertant et le public peut aisément percevoir combien Jean Dujardin a pris du plaisir et de l’amusement à cet exercice. Les quelques spectateurs dubitatifs sur l’incarnation de Nicolas par Jean Dujardin vu le manque de ressemblance physique oublieront rapidement ce détail et seront rassurés ce tant l’acteur semble proche de son modèle à en faire pâlir de jalousie les imitateurs de l’ancien président. Le pari d’Anne Fontaine est réussi et permet à l’imaginaire de très bien fonctionner, voire de galoper. Il en va de même pour le rôle de François qu’Anne Fontaine a confié à Grégory Gadebois qu’elle avait déjà dirigé dans Police (2020). Si la ressemblance physique ne saute guère aux yeux de prime abord, le travail que Grégory Gadebois effectue sur les attitudes, le regard, la tonalité de la voix, convainquent facilement le public qui croit très vite assister à la rencontre bien réelle des deux anciens hôtes de l’Élysée. Il faut souligner une complicité tangible entre les deux acteurs qui avaient tourné ensemble dans J’accuse de Roman Polanski. Au fil des scènes, une complémentarité et une fusion dans leur travail émanent de leur tandem et deviennent de plus en plus palpables.

La réalisatrice, qui avait eu l’occasion de rencontrer François Hollande, le trouvait difficile à cerner :

« J’ai compris qu’au-delà de son brio et de son humour, il avait toujours tendance à se comporter comme un professeur ! J’ai transmis cela à Grégory en lui disant qu’il devait constamment essayer de dominer l’autre, ce rival qu’il considère de fait comme inférieur… ».

Cette fable comique regorge de fantaisie et d’un humour savoureux. Le film a été tourné dans des décors bien naturels, ce qui a donné une touche de surréalisme au tournage pour l’équipe technique mais une authenticité au récit, montrant les deux anciens présidents évoluant dans un champ corrézien, entourés de vaches ou déambulant à vélo sur les routes de campagne. Alliant avec dextérité une part bien réelle avec la fantaisie – les noms de Marine Le Pen et d’Emmanuel Macron sont cités -, les patronymes des deux anciens présidents ne le sont jamais – Anne Fontaine a su savamment donner suffisamment de repères, sans trop en donner pour autant afin que le public puisse s’amuser avec ces références sans jamais sombrer ni dans la caricature ni dans la parodie. Anne Fontaine a su accompagner ses comédiens avec sa caméra en toute discrétion et bienveillante, une caméra qui n’est jamais envahissante, ce qui donne une fraîcheur à ce tableau bucolique. Ce mélange subtil et équilibré a laissé une grande liberté à la réalisatrice dans l’écriture comme dans la réalisation, amenant ses personnages à dire des choses que leurs modèles n’ont jamais prononcées. On sent une direction d’acteurs précise et rigoureuse qui est maintenue de bout en bout au millimètre près, ce qui sublime le jeu des acteurs qui semblent toujours très naturels.

Présidents sort ce mercredi sur les écrans romands.

Firouz E. Pillet

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Firouz Pillet

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