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Cannes 2019 – Sibyl de Justine Triet: de la psychanalyse sous vide en compétition

Soyons justes, le film n’a pas que des défauts : il permet de réaffirmer le talent de deux actrices – la belge Virginie Efira et l’allemande Sandra Hüller.

— Sandra Hüller et Virginie Efira – Sibyl
Image courtoisie Festival de Cannes

Une fois ceci posé, on ne peut que se demander comment ce film de Justine Triet a pu atterrir dans la sélection de la compétition officielle. Tout y est insupportable, que ce soit le scénario invraisemblable, les dialogues navrants, le jeu d’Adèle Exarchopoulos  – on en souffre d’autant plus que le contraste avec celui des deux actrices précitées est cruel, quoique nous pouvons lui reconnaître une qualité que l’on retrouve régulièrement dans ses rôles : une prédisposition naturelle aux sanglotements et à la moue – , la charge caricaturale de tous les personnages, Éros et Thanatos déclamés par des scènes de sexe cathartiques…

— Gaspard Ulliel et Adèle Exarchopoulos – Sibyl
Image courtoisie Festival de Cannes

Mais revenons à la vraisemblance des choses. Bien entendu un bon film n’a pas forcément une histoire qui ressemble au réel, la  narration peut être prétexte à un tout autre dessin artistique. Mais dans ces cas-là, ce manque de réalisme est compensé par une vision, une volonté, un univers, une symbolique. Mais ici, rien. Une noyade embarrassante dans un maelstrom de poncifs de la comédie dramatique à la française. D’où sortent ces dialogues qui sonnent totalement faux ? Et ici on ne parle même pas de ceux que doit prononcer Adèle Exarchopoulos : en mathématique moins fois moins égal plus, mais au cinéma c’est égal à saignement d’oreilles.

Margot : « On ne peut construire sur de la merde. »
Sibyl : « On ne construit que sur la merde. »

Surtout, pourquoi cette instrumentalisation de la figure de l’enfant ? L’enfant comme pièce du décor. L’enfant, qu’il soit en gestation ou en chair et en os, fait office de fil dramaturgique mais par ailleurs n’existe à l’écran que comme prétexte : on n’en voit apparaître que lorsqu’il y a nécessité narrative et hop, comme par magie, le reste du temps – quand les parents ont des soirées, des dîners, reviennent du travail, bref, quand dans la vraie vie c’est un peu le casse-tête de savoir ce que l’on doit faire de sa progéniture et bien ici, elle disparaît. Ce qui arrive même à étonner un des protagonistes, le mari de Sibyl, qui lui demande au retour d’une après-midi chez des amis où est leur fille !

Sibyl est une romancière reconvertie en psychanalyste. Rattrapée par le désir d’écrire, elle décide de quitter la plupart de ses patients. Alors qu’elle cherche l’inspiration, Margot, une jeune actrice désespérée, la supplie de la recevoir. Elle est en plein tournage, enceinte de l’acteur principal, lui-même en couple avec la réalisatrice du film. Sibyl, autant fascinée qu’intéressée, enregistre leurs séances afin d’utiliser ce matériau pour son nouveau roman. Mais cette parole de Margot fait également écho au passé de Sybil qui commence à perdre la distance de l’analyste pour glisser lentement dans l’univers-miroir trouble de Margot.

— Virginie Efira – Sibyl
Image courtoisie Festival de Cannes

L’idée de mêler de manière floue la réalité que vivent les personnages et leur monde onirique n’était pas mauvaise, même si elle n’aurait pas plu à tout le monde. La confusion entre la réalité, les fantasmes, le monde intérieur, le passé, la multiplication des écrans, accentué par le film dans le film, auraient pu mettre un peu de piment stylistique à cette histoire sans queue ni tête. Mais malheureusement la réalisatrice n’a pas été au bout de son idée, de peur certainement de perdre certains spectateurs dans le fil narratif. Il en résulte un exercice très scolaire qui fait semblant de flirter avec les lignes tout en les traçant à gros traits. Personne ne demande à la réalisatrice et sa production d’avoir la témérité et le talent de refaire Eyes Wide Shut (Stanley Kubrick, 1999), mais tout de même, un peu de personnalité artistique !
Virginie Efira parle, à propos de son personnage, « d’une nécessité de désintégration ». Le problème est qu’à sa suite, tout le film se retrouve en miettes au moment du générique de fin.

De Justine Triet; avec Virginie Efira, Adèle Exarchopoulos, Gaspard Ulliel, Sandra Hüller, Laure Calamy, Niels Schneider, Paul Hamy, Arthur Harari; France, Belgique; 2019; 100 minutes.

Malik Berkati

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