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Cannes 2024 : présenté en compétition officielle, Marcello Mio, de Christophe Honoré, propose un film de potes et relate l’histoire de Chiara Mastroianni qui se prend pour son illustre paternel, Marcello Mastroianni

Le très attendu septième long-métrage du réalisateur français, qui nous avait enchantés à Cannes en 2019 avec La chambre 212 et au TIFF avec Le Lycéen en 2022, revient sur la Croisette avec un film qui réunit une bande d’amis mais laisse le public en dehors de leur complicité.

— Chiara Mastroianni et Catherine Deneuve – Marcello Mio
© Jean-Louis Fernandez

Et si Chiara Mastroianni se réveillait un jour persuadée d’être son père ? C’est le point de départ de Marcello Mio, le nouveau film de Christophe Honoré. Une femme, Chiara (Chiara Mastroianni) est actrice, elle est la fille de Marcello Mastroianni et de Catherine Deneuve (qui joue son propre rôle) et le temps d’un été, chahutée dans sa propre vie, suite à un rêve, elle se persuade qu’elle devrait plutôt vivre la vie de son père.

Elle s’habille désormais comme lui, se grime avec une perruque cheveux courts et porte des lunettes noires, parle comme lui et désormais en italien, respire comme lui et elle le fait avec une telle force qu’autour d’elle, les autres finissent par y croire et se mettent à l’appeler « Marcello ». Même son nouvel ami, Fabrice Lucchini, est le premier à la comprendre et à l’accepter alors que son ancien compagnon, Benjamin Biolay, est surpris et pense à une fantaisie. Le plus virulent est son amour de jeunesse, Mevil Poupaud, qui réagit violemment en lui arrachant sa perruque et ne peut cacher sa colère. Sa mère semble initialement dubitative, mais finit par être séduite par ce nouveau Marcello qui lui rappelle tant de bons et tendres souvenirs.

Habitué du Festival de Cannes, Christophe Honoré a fait germer cette idée saugrenue puis a osé la soumettre à l’actrice et précise :

« Je me suis dit que Chiara allait refuser. Je lui ai donc demandé l’autorisation de réfléchir dessus et elle m’a dit : « Si tu fais de ma vie une comédie, je suis d’accord. Cela m’amuse. J’avoue qu’il y a quelque chose de très audacieux. ».

Au fil des scènes, alors que l’actrice Chiara Mastroianni se glisse dans la peau de son célèbre père, il devient évident que le cinéaste rend un vibrant hommage au célèbre acteur italien, mais aussi à Catherine Deneuve qui s’est replongée avec sa fille dans ses souvenirs personnels. Physiquement, Chiara Mastroianni, qui ressemble beaucoup à son illustre paternel, s’est amusée à semer le trouble sur le tournage. Mais dans cette mise en abyme, les clins d’œil sont multiples : il y a un hommage à Michel Bouquet, qui, selon Lucchini, « pourrait être notre professeur à tous » et encore à La Callas quand Catherine Deneuve et sa fille se rendent dans un immeuble où elles ont habité près du Jardin du Luxembourg et demandent au nouveau propriétaire de pouvoir le visiter. Les deux femmes se couchent alors sur le parquet et Chiara dit à sa mère si elle se souvient d’avoir entendu les vocalises qui provenaient de l’appartement du dessous où la cantatrice répétait.

Si cette sorte d’anti-biopic revendiqué parvient à distiller une joyeuse nostalgie et une tendre mélancolie, en particulier dans les scènes où apparaît le vrai Marcello dans des extraits de films cultes, l’évocation émouvante de ce père mythique pourrait sembler réussie. Pourtant, ce portrait trouble sur l’identité et l’héritage qui mêle absurde et émotion, finit par laisser le public en rade, extérieur à ce qui se déroule sur l’écran. La première scène dans la fontaine de Trevi, où Chiara Mastroianni doit rejouer la fameuse scène d’Anita Ekberg sous les injonctions d’une photographe tyrannique et hystérique, semblait emplie de promesses. Avec cette ouverture, on partait confiant.

Malheureusement, très rapidement, le récit se transforme en psychanalyse, plaçant le public, bien malgré lui, dans le rôle de témoin impuissant et dépité. À grand renfort de cabotinage, cette bande d’amis fait de l’entre soi et finit par exclure le public venu les voir avec beaucoup d’enthousiasme et d’attentes. Au début du film, quand Chiara Mastroianni et Fabrice Luchini déclament des répliques d’une pièce de marivaudage devant la cinéaste Nicole Garcia qui leur fait passer un casting, on se dit que le ton va être léger et facétieux, du moins drôle. La proposition cinématographique est pourtant prise très au sérieux par les comédien.nes et ne tient pas la longueur, d’autant que le jeu est souvent très mauvais. À l’issue de la projection, on se dit que l’on ne s’est guère amusé et qu’on n’a pas beaucoup ri.

La projection cannoise de Marcello Mio était attendue comme l’un des grands temps forts du festival cette année, mais a été finalement un immense moment de solitude.

Firouz E. Pillet, Cannes

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Firouz Pillet

Journaliste RP / Journalist (basée/based Genève)

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