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God Exists, Her Name is Petrunya (Gospod postoi, imeto i’ e Petrunija)

Ce petit bijou venu de Macédoine en compétition à Berlin et reparti de manière tout à fait scandaleuse bredouille du festival arrive enfin sur nos écrans. Il n’y a pas plus de justice dans le monde du cinéma que dans le monde réel, mais parfois des rééquilibrages bienvenus : alors que Juliette Binoche et son jury n’ont pas su reconnaître une once de qualité à ce merveilleux film – tout occupés qu’elles et ils étaient à primer des films français et/ou prétentieux, le public lui semble au rendez-vous dans les pays où il est déjà sorti.

— Zorica Nusheva – Gospod postoi, imeto i’ e Petrunija (God Exists, Her Name Is Petrunya)
© trigon-film.org

Ironie malheureuse de l’histoire, ce film sort deux jours après l’arrestation d’une femme en Pologne pour avoir collé de petites affiches en ville de la Vierge avec une auréole aux couleurs arc-en-ciel, chose considérée comme une profanation par le ministre de l’intérieur polonais Joachim Brudzinski. Nous sommes bien en 2019, en Europe et, semble-t-il le délit de blasphème réapparaît…

C’est un peu ce que l’on reproche à  Petrunya, femme de 32 ans diplômée de l’université en histoire que tout le monde traite en petite fille car elle n’a pas de travail et n’est pas mariée. Lorsque, suivant la tradition du mois de janvier, le prêtre de la petite ville de Stip lance une croix en bois dans la rivière, personne ne s’imagine qu’une femme puisse sauter dans l’eau avec les hommes pour essayer de l’attraper et gagner ainsi une année de prospérité et de bonheur. Et pourtant, c’est bien ce que va faire Petrunya ! S’en suivra une série de péripéties pour Petrunya, allant crescendo dans l’intensité de la pression sociale – dans la famille, le voisinage, la police, l’église, les médias et les politiques au niveau national.

La réussite de ce film tient en deux choses très simples : le choix d’une actrice (Zorica Nusheva) qui habite à la perfection ce personnage doté d’une opiniâtreté et d’un sens de l’humour très terriens ; une narration très fine qui n’est jamais dans le manifeste avec une écriture qui permet aux protagonistes d’évoluer au cours du film. Ce scénario est extrêmement intelligent, donnant à montrer la gravité des choses qui se déroulent en ce moment dans toute l’Europe avec les effets de foules, la pression sociale, le retour en force des traditions et rites, le repli sur soi, la régression au niveau des acquis sociétaux  –  même si la tendance est de focaliser sur les pays de l’est – sans accabler le spectateur. Au contraire, il en ressort avec un sourire et ce sentiment diffus que tout n’est pas perdu, désespéré et inéluctable pour peu que l’on se mettre, chacun.e à notre niveau, à résister aux courants délétères qui strient notre monde et son temps présent.

Deux jurys indépendants ne s’y sont eux pas trompés pendant la Berlinale: le film de Teona Strugar Mitevska a reçu avec le prix du jury œcuménique et celui de la Guilde du Film.

De Teona Strugar Mitevska; avec Zorica Nusheva, Labina Mitevska, Simeon Moni Damevski, Suad Begovski, Stefan Vujisic, Violeta Shapkovska; Macédoine, Belgique, Slovénie, France, Croatie ; 2019 ; 100 minutes.

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Malik Berkati

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