Mostra 2019 : Wasp Network ou les espions cubains d’Olivier Assayas
La Havane, décembre 1990. René González (Edgar Ramírez), pilote de ligne cubain, vole un avion et s’enfuit du pays, laissant derrière lui sa femme (Penélope Cruz) et sa fille adorées. Il commence une nouvelle vie à Miami, bientôt rejoint par d’autres dissidents cubains, tous travaillant à la déstabilisation du régime Castro. Basé sur une histoire vraie.
Le réalisateur/scénariste français Olivier Assayas a travaillé avec les acteurs ibérique, latino-américains et nord-américains les plus en vue pour son dernier film, Wasp Network, en compétition au Festival de Venise : l’Argentin Leonardo Sbaraglia, l’Espagnole Penélope Cruz, la Cubaine Ana de Armas, le Mexicain Gael García Bernal, le Vénézuélien Edgar Ramírez et le Brésilien Wagner Moura, entre autres car la liste est longue, constituent la distribution de Wasp Network, le nouveau film du réalisateur de Irma Vep, Personal Shopper, L’heure d’été, Sentimental Fates, Sils maria, Doubles vies, Demonlover, Carlos – la mini-série qui a remporté le Golden Globe Award, Clean, Après mai, entre autres.
Ici, la séduisante Penelope Cruz joue Olga Salanueva, l’épouse de l’un des cinq agents de renseignements cubains (René, joué par Edgar Ramírez) qui a participé au Réseau Avispa. Ils ont été envoyés aux États-Unis dans les années 1990 pour travailler comme espions dans la communauté cubaine en exil à Miami, en Floride. Toutefois, en septembre 1998, les cinq hommes ont été arrêtés et reconnus coupables de complot sur le territoire américain.
Les hispanophones apprécieront l’accent cubain aux débuts de mots aspirés que Penelope Cruz distille tout au long du films.
Les cinq pilotes se retrouvent rapidement confrontés, malgré eux, à devoir convoyer de la drogue du San Salvador et de Puerto Rico. Leur supérieur, chef du réseau de soutien aux Cubains qui fuit l’île par tous les moyens, dans des embarcationsons de pacotille, leur dit qu’ils n’ont rien vu et qu’il faut bien financer l’organisaiton.
Assayas joint des images d’archives au film : Bill Clinton suite aux explosions de bombes dans plusieurs hôtels de luxe de la Cabane … un touriste italien y perdu la vie.
Et Fidel Castro interviewé suite à la sentence appliquée par les Etats-Unis qui déclare les cinq pilotes coupables d’espionnage :
C’est amusant que le pays qui espionne le plus au monde accuse le pays le plus espionné d’avoir envoyé des espions sur sol américain.
Assayas assure un rythme soutenu à ce récit tout en le rendant limpide et passionnant, avec des touches d’humour savoureux comme cet extrait d’entretien avec Fidel Castro.
Le film est adapté de Los últimos soldados de la Guerra Fría (Les derniers soldats de la guerre froide), un roman du Brésilien Fernando Morais.
Olivier Assayas a écrit le scénario lui-même, mais la production du film s’est avérée être un défi, comme l’a révélé une récente interview du cinéaste au Variety du Festival du film de Venise.
Olivier Assayas a commenté au sujet de son film :
La politique, comme l’a écrit Shakespeare à propos de la vie elle-même, est une histoire pleine de bruit et de fureur, comme le raconte un idiot, qui ne veut rien dire. Pourtant, c’est en fonction de ces passions que les hommes vivent. Et meurent. Les conflits de la guerre froide ont défini ma génération et façonné les contours de notre présent. Les braises restent brillantes, et l’une d’entre elles se brûle facilement. Il me semble que nous avons maintenant une distance historique suffisante pour l’affronter. Certainement pas avec détachement, mais avec la liberté et la rigueur de le représenter avec bienveillance et vigilance. Sans se laisser berner par les masques de l’idéologie. L’histoire moderne m’intéresse à travers les lentilles de son humanité, comment elle révèle chez ses acteurs la vérité intime qui définit leurs actions, leur foi et leurs erreurs. Y a-t-il une raison pour laquelle nous faisons ce que nous faisons ? Qui peut être juge ? Emportés par la Roue de l’histoire, victimes de leurs démons et de leurs illusions, mais aussi victimes des deux, les acteurs du drame politique sont nos frères comme nous sommes aussi leurs complices.
Selon la presse italienne, Wasp Network est une production ambitieuse … C’est surtout un film très réussi, rondement dirigé et bénéficiant d’un rythme soutenu du début à la fin, servi par d’excellents acteurs dirigés avec brio.
Comme le rappelle le gènerique de fin, avec à l’appui les photographies des personnes concernées par ce réseau, ces cinq prisonniers politiques cubains emprisonnés aux États-Unis depuis la fin des années 1990, accusés d’espionnage et de meurtre, n’ont retrouvé la liberté que récemment. Wasp network leur rend un magnifique et vibrant hommage.
Olivier Assayas, à l’instar de Roman Polanski, sortent du lot et mériteraient un prix.
Firouz E. Pillet, Venise
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