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Berlinale 2020 – Compétition : Volevo nascondermi (Hidden Away), un biopic sur l’artiste-phare de la peinture naïve en Italie, Antonio Ligabue

En français, le titre traduit du biopic sur l’artiste italien Antonio Ligabue signifie : je voulais me cacher. Malheureusement, il s’avère que le spectateur a également rapidement ce désir, partir loin, hors du champ hyper classique, emphatique et totalement ennuyeux que met en scène Giorgio Diritti.

— Elio Germano – Volevo nascondermi (Hidden Away)
© Chico De Luigi

Le raté magistral de ce film est de partir d’une première partie où les origines de Toni et ses premières années sont dépeintes de manière énergique, volontaire, avec un point de vue cinématographique qui offrent une entrée en matière intéressante qui aurait pu être creusée, pour continuer sur une suite d’épisodes narratifs et visuels qui s’enfonce à chaque minute qui passe dans le classicisme le plus plat. La première demi-heure nous plonge dans une sauvagerie ambiante saisissante – et ici on parle moins de celle de l’enfant difficile et intenable qu’est Toni que celle de ses petits camarades qui le briment, de ses professeurs qui le rabaissent ou les voisins de la famille qui s’apitoient tout en jetant leur venin de préjugés envers les Italiens.

Mais le film biographique est le genre le plus difficile à personnaliser, c’est pourquoi, bien souvent, le côté informatif, pédagogique ou révérencieux prend le dessus sur l’art cinématographique. Il faut avoir le courage de prendre de la distance, de proposer un angle et de ne pas gommer les aspérités dérangeantes de la personnalité racontée.

Volevo nascondermi (Hidden Away) de Giorgio Diritti
© Chico De Luigi

Giorgio Diritti nous fait entrer très habillement dans la vie de Toni par un retour en arrière qui évite les pesants flashbacks à travers un procédé très simple : nous voyons Ligabue dans un hôpital psychiatrique italien, face à un médecin qui prend connaissance de son dossier. Ce qu’il lit, nous le voyons à l’écran. Son enfance martyrisée en Suisse alémanique se déroule sous nos yeux. Car Toni, fils d’émigrés italiens vit dans une famille d’accueil suisse. Il souffre de rachitisme et de troubles mentaux et fait un séjour en hôpital psychiatrique avant d’être expulsé, jeune adulte, en Italie, à Gualtieri dans la région Émilie-Romagne où il vit pendant des années dans une pauvreté abjecte sur les rives du Pô, sans domicile fixe, comme un sauvage. Tout comme pendant son enfance, il subit constamment des brimades et humiliations de ces congénères. Sa passion pour le dessin qu’il a découverte dans son adolescence ne le quitte cependant pas et sa rencontre avec le sculpteur Renato Marino Mazzacurati va changer sa vie. Il va l’encourager à peindre et l’installer quelques temps dans la maison de sa mère.

Et là, patatras ! Dès que le côté artistique du personnage est découvert, tout devient convenu et sans aucun intérêt. Il n’y a plus de perspective ni de sujet autre que l’artiste lui-même, aucun regard cinématographique ni épaisseur psychologique sur les individus qui gravitent autour de lui. On en vient, pour détourner l’ennui, à ne regarder que la performance d’Elio Germano – également à l’affiche de la coproduction italienne-suisse en compétition des Frères D’Innocenzo, Favolacce – qui habite de toutes ses fibres Antonio Ligabue, un peu à l’instar de l’artiste qui vit – et fait – corps et âme avec sa peinture. Un des rares aspects bien rendu par le scénario empesé où quand les gens sont méchants, ils sont vraiment méchants et quand ils sont gentils, ils sont vraiment très gentils est le fait que malgré ses nombreux épisodes psychiatriques, l’artiste a totalement conscience de la valeur de son talent : celle de le maintenir, même si cela reste dans la marge, dans la communauté des hommes où la renommée lui offre quelques oripeaux de respect.

— Elio Germano – Volevo nascondermi (Hidden Away)
© Chico De Luigi

Difficile de passer sur un aspect qui rend ce film difficilement regardable : la musique qui ajoute des couches et des couches de surlignage dramatique, avec pour climax fatal une scène où Ligabue, qui a voulu en guise de paiement de la vente de ses premières toiles une moto, chevauche sur une petite route de campagne une bécane rouge, cheveux au vent… sur l’Hymne à la joie de Beethoven. Non, pitié, comment se fait-il que personne dans l’équipe du film ne soit pas intervenu auprès de Giorgio Diritti pour lui dire qu’en 2020, cela était définitivement interdit ?

De Giorgio Diritti; avec Elio Germano, Pietro Traldi, Orietta Notari, Andrea Gherpielli, Oliver Ewy; Italie; 2019; 118 minutes.

Malik Berkati, Berlin

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Malik Berkati

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