Rencontres cinématographiques à Genève du 26.11. au 3.12 2021 – Palestine Filmer C’est Exister (PFC’E)
La pandémie avait privé le public de la 9e édition de Palestine Filmer C’est Exister, à que cela ne tienne, les organisateurs.trices ont concocté une 10e édition 2 en 1, enrichie par ces deux années où le Covid-19 a été au centre de toutes les préoccupations, du moins dans nos pays occidentaux. Car ailleurs, la vie, en sus de la crise sanitaire, a continué d’être ponctuée par la structure économique, politique, géopolitique, sociétale, environnementale et ses facteurs de contingence. Loin des yeux, loin du cœur, le centre du système-monde déjà peu enclin à s’occuper des problèmes de fond de la planète, assurant seulement le service minimum afin d’en tirer un maximum de substantifique moelle tout en essayant de contrôler à la marge les pressions afin qu’elle n’implose pas, c’est totalement recroquevillé sur lui-même. Un mot est entré dans le vocabulaire mondial : le confinement. Ce terme définit une réalité que la majorité des individus qui peuplent la planète ont vécu pendant cette pandémie – quelques jours, quelques semaines, quelques mois ; et pour la plupart, ce fut une expérience au mieux désagréable au pire traumatisante. Quel sentiment de liberté n’avons-nous pas ressenti lorsque nous avons pu à nouveau sortir, rendre visite à nos familles, nos ami.es, aller au travail, à l’école, fréquenter les lieux de culture et de loisirs…
Eh bien, il existe un territoire et un peuple qui, depuis plus de septante ans vit en situation de confinement. Palestine.
La culture est un espace privilégié qui permet d’ouvrir les horizons, de multiplier les points de vue, de poser un regard sur le monde et les gens. En Palestine, la création culturelle sous toutes ses formes est traditionnellement un moyen privilégié d’expression, de respiration, de résistance qui, même lorsqu’il est empêché – par quel que bord que ce soit, se libère de ses chaînes pour trouver un chemin d’élaboration. Le cinéma palestinien est à cet égard exemplaire, maniant avec habilité le fond et la forme de cet art propice à capter et restituer l’état du monde, le traitant souvent avec humour, ironie, autodérision. L’humour n’est-il pas la politesse du désespoir, comme le soulignait le cinéaste protéiforme Chris Marker ?
En revanche, les cinéastes qui viennent d’autres pays pour filmer la Palestine et les Palestiniens sont moins caustiques, la réalité inqualifiable, absurde, qu’ils et elles voient sans la vivre au quotidien leur donnant suffisamment de matière à filmer et raconter. Notons à cet égard la projection du documentaire de Giulia Amati (présente par visioconférence) et Stephen Natanson, This is My Land… Hebron (2010), une immersion suffocante dans la ville palestinienne d’Hébron, phagocytée par une minorité de colons et l’armée israélienne avec pour but de coloniser de l’intérieur cette ville de Cisjordanie occupée.
Créé en 2012 par le Collectif Urgence Palestine-Genève , PFC’E célèbre le cinéma palestinien avec
l’idée de donner la place au regard, à la créativité, à l’humour, aux convictions et aux espoirs des cinéastes palestinien.ne.s, de la Cisjordanie à Gaza, vivant en Israël et dans les pays d’exil. Regards empreints parfois de désillusion, de fatigue, d’impuissance, mais dans lesquels se reflète toujours et encore la volonté de résister.
explique le Collectif.
Cet événement tient à son intitulé Rencontres cinématographiques car dès le début de l’aventure, les échanges entre le public et les cinéastes, mais aussi les débats entre les spectateurs et spectatrices étaient au centre de cette idée. Le 29 novembre, date qui par ailleurs est depuis 1978 la Journée internationale de solidarité avec le peuple palestinien instaurée par l’Assemblée générale des Nations Unies, PFC’E organise une soirée « regards croisés », entre les 7 invité.e.s palestinien.ne.s – Mahdi Fleifel, Kamal Aljafari, Nidal Badarny, Tamara Abu Laban, Omar Shargawi, Mohamed Jabaly et Ameen Nayfeh –, le public et les partenaires historiques de l’événement, suivie d’une projection de courts-métrages.
Nous souhaitons faire de cette soirée un moment animé, critique, pour prendre le temps de nous retourner sur ces 10 années, mais également pour questionner nos invités.e.s sur les contraintes et libertés dans l’avenir de la création cinématographique palestinienne.
Autres événements phares de cette 10e édition
Le PFC’E reprogramme l’hommage au cinéaste suisse décédé en avril 2020 Francis Reusser, qui était prévu l’an passé, avec la projection de deux de ses films tournés en Palestine – Biladi, une révolution (1970), document exceptionnel sur la mémoire de la résistance palestinienne, et La Terre Promise (2014), où le cinéaste suit les 55 jeunes de la chorale du Collège Saint-Michel de Fribourg qui vont en Palestine pour y donner une série de concerts.
Une exposition de photographies d’Armand Deriaz, intitulée Guerre du peuple, qu’il avait prises lors du tournage de Biladi, une révolution. Vernissage le 30 novembre à 18h30 en présence du photographe à l’espace Hornung du Grütli.
Une Masterclass avec l’artiste et réalisateur Kamal Aljafari (The Roof, 2006; Port of Memory, 2010; Recollection, 2015; An Unusual Summer, 2020), organisée en collaboration avec la HEAD Cinéma Genève, animée en anglais par le réalisateur suisse et directeur de la HEAD Cinéma, Nicolas Wadimoff. Elle est ouverte au public, pour s’inscrire : info@palestine-fce.ch
Une soirée cinéma + concert clôturera cette édition à La Gravière, avec la projection du film documentaire Slingshot Hip Hop (de Jackie Reem Salloum, 2008), suivie du showcase du collectif les Partisans du Hip Hop et de la rappeuse libano-suisse La Gale, puis du concert de la rappeuse palestinienne Shadia Mansour.
Parmi les 29 films présentés, notons
200 Meters d’Ameen Nayfeh (qui sera présent) dont la Première avait eu lieu à la Mostra 2020 (critique FeP), qui relate les affres d’une vie familiale conditionnée par un mur ; Gaza (2019) de Garry Keane et Andrew McConnell qui va à l’encontre des clichés sur Gaza et sa population à travers de magnifiques portraits individuels (critique MaB); An Unusual Summer de Kamal Aljafari (2020) réalisé à partir des images de la caméra de sécurité de la maison du père du réalisateur (critique MaB); The Journey of the Others (2019) de Jaime Villareal, une mise en abîme puissante de l’art comme moyen de résistance avec le Freedom Theatre, dans le camp de réfugiés de Jénine (critique MaB); ainsi que toute une série de courts métrages qui montrent la créativité, l’énergie, la volonté de la jeune garde des cinéastes palestinien.nes.
Les deux lieux de projection de PFC’E sont le Spoutnik du 26 au 29 novembre et les Cinémas du Grütli du 30 au 3 décembre. Il y aura buffet oriental, ouvert 30 minutes avant le début des projections.
Malik Berkati
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